Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, je vous présente, Williaaaaaam Aaaaaarcher!

Le nom résonne dans mes oreilles. Ma tête par en arrière et s'enfonce dans le coussin. Mes paupières tentent de se fermer, je sens mon coeur qui accélère. Je respire mieux. Un dernier soupire et je m'enfonce dans un cocon de cocaïne. POUF...

William Archer. Ce nom, il est aussi connu que le nom de Bruce Wayne à Gotham City. William Archer. Magnat du pétrole, milliardaire, grand gourou de la ville de Chicago. William Archer... Sr. Mon père. Marié à une star de l'écran. Leurs noms n'ont jamais fait scandale. Petit couple modèle, riches, beaux, intelligents. Ils avaient tout pour plaire. Elle a arrêté sa carrière quand elle fut engrossée. Je suis né 7 mois plus tard, j'avais déjà hâte de quitter les bras de ma mère. Elle me les gonflait déjà. Quatre ans après, de toutes manières, le divorce fut prononcé. Mon père me garda, ma mère sombra dans l'alcool, le beurre de cacahuètes et la dépression. Elle a voulu refaire du cinéma, mais c'était trop tard, le gras, les rides, les cernes... même le maquillage ne pouvait plus tout cacher. Alors pour me donner un semblant de présence féminine, mon père a enchainé les conquêtes, passant de la brune sauvage à la blonde sur hauts talons. Il accusait le coup et pour se faire pardonner, il m'offrait tout ce que je souhaitais. Voiture, alors que je n'avais que 8 ans. Cheval alors que je ne supporte pas les hauteurs. Chef cuisinier alors que tout ce que je voulais manger, c'était des frites et du steak... J'avais tout et rien que pour le défier, je lui demander des choses impossibles. Je ne peux pas dire que je n'ai pas eu une enfance heureuse, non, ne vous méprenez pas. J'étais très heureux. J'étais le petit roi de Chicago. Mon père avait fini par acheter le stade de base-ball, le stade de football américain, l'équipe qui allait avec. Il avait la moitié des docks rien qu'à lui, il possédait des entrées dans tout ce qui avait une entrée. Et il m'exposait. Brave petit héritier qui reprendrait un jour ou l'autre les rènes du pouvoir. Le brave petit Archer Jr. Je fus élevé, éduqué dans cette optique. Avant de savoir marcher, j'apprenais des langues diverses, avant de savoir écrire, je savais compter, avant de savoir fumer je savais négocier, avant d'aller à l'école, j'avais déjà visité tous les musées de la ville. J'étais un trophée et je me comparais souvent à l'animal empaillé du Musée des Sciences Naturelles. Le gros ours polaire, là, derrière la vitre, c'était moi. On s'assurait que je ne prenne pas la poussière, que tout le monde me voit bien... Mais un jour... un jour... on en ferait un plus beau, mieux empaillé, plus facile à exposer et je serais mis au rencart. Et bien ça... je me le jurais... ça n'arriverait JAMAIS!

Un serpent glisse sur mon bas ventre, remonte en se tortillant sur mon torse, il entoure mon cou. J'ouvre à peine les yeux. Qu'il sert, que j'étouffe et que je meure.

Will? Il faut que j'y aille. Snake ne sera pas content si j'arrive après le lever de soleil. Tu sais comment il est... Ecoute... Ton garde du corps va me raccompagner, ok?

Parlons-en des gardes du corps? A onze ans je ne pouvais plus pisser tout seul. On m'avait collé des gorilles pour si jamais... dans l'éventualité où... mieux vaut prendre ses précautions... Tout ça, parce que les gangs commençaient à se faire connaitre? Mon père a commencé à avoir trop de boulot, ouai. Il s'est désintéressé de moi. Je prenais la poussière? Peut-être. J'ai décidé de revenir dans son estime. J'ai tout fait. Je me suis jeté à fond dans les études, j'ai travaillé comme un dingue pour avoir les meilleures notes, pour avoir les meilleures appréciations des professeurs, pour être dans les meilleurs collèges et lycées que le pays pouvait donner. Ce que je ne pouvais avoir, je l'achetais. En grandissant, je me suis aperçu qu'il préférait son boulot, son argent à sa famille. Ma colère est née à ce moment-là. Ma rancoeur grandissait jour après jour. J'étais toujours un trophée qu'il arborait lors des galas et autres concerts, aux les diners de charités, pour les commémorations. Je ruminais une vengeance, encore secrète, mais j'étais prêt à tout. Mais pas encore, pas encore. Je finis par avoir mes 18 ans. Cela faisait plusieurs années que je m'étais lâché sur la clope, l'alcool, la drogue, les filles, les fiestas, les débauches et les déboires. Mon père ne s'intéressait plus à moi, je ne m'intéressais plus à lui.

Monsieur Archer? La réunion des directeurs a été planifiée pour 9h.

Je redresse la tête, un gros monstre poilu qui parle dans un anglais impeccable s'adresse à moi. Je n'entends pas les mots, je vois en rose, en bleu, en vert, en kaléidoscope de couleurs. Je hoche la tête et je ferme les yeux, me laissant emporté par des ours empaillés et des licornes translucides.

Monsieur Archer, c'est moi maintenant. Il n'y a plus de Junior, il n'y a plus de Senior. William Archer, père, a sombré dans une démence reconnue et tout son héritage m'est revenu. C'est moi le boss, c'est moi qui dirige maintenant. Le paternel, celui qui m'avait repoussé toutes ses années venait de se rendre compte que son fils était toujours en vie. Jusqu'à présent, j'avais eu une vie de débauche, j'avais écoulé l'argent du vieux parce que... je ne voyais pas pourquoi je ne le ferais pas. Mais c'était à moi de gagner de l'argent maintenant. La charité, les galas, tout ça, ce n'était pas pour moi. Le paternel voulait que la population oublie les Sharks, oublie les Bulls? J'allais imposer MA politique, j'allais imposer MA loi. Cela faisait trop longtemps que les journaux faisaient la une sur les règlements de compte. Cela faisait trop longtemps que je n'étais considéré que comme l'héritier. Il était temps. La ville de Chicago avait besoin d'être nettoyée de tous mes concurrents et ça passait par les Bulls et les Sharks. Je me fichais bien que l'un ou l'autre gagne, ce qui comptait, c'était MON argent, rien d'autre. Mais la police était tout aussi incompétente qu'un escargot sur une côte savonneuse. Néanmoins... l'argent peut faire des miracles...

J'expire une dernière fois avant de me lever, de refermer la chemise. J'ai encore les yeux rouges, le coeur qui bat fort. Je renifle, le garde du corps vient s'assurer que tout est en ordre et il me tend ma veste de costume. Je passe dans un couloir, je grimpe quelques marches sur lequel il y a un tapis rouge, il y a un brouhaha derrière une porte. Les gens m'attendent. Je souris. Je pousse la porte. Avant d'acheter, il faut étaler la marchandise, non? La voix carillonne dans mes oreilles.

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, je vous présente, William Archer!